Horace Tapscott, 1934-1999
"Our music is contributive, rather than competitive"
C’est lors d’un concert au festival du Fort Napoléon à la Seyne-sur-Mer en août 1995 que j’ai découvert le pianiste Horace Tapscott. A vrai dire, ce n’était pas pour lui que je m’étais rendu à ce concert, mais pour écouter le saxophoniste Sonny Simmons qui venait de réapparaître après une dizaine d’années de silence et avec qui il co-dirigeait un quartet pour cette tournée.
Etait-ce prévu ou était-ce dû au degré d’éthylisme de Sonny Simmons ? Le fait est que ce soir-là, c’est Tapscott qui débute et qui fera une grande partie du concert en trio accompagné par le contrebassiste James Lewis et John Betsch à la batterie.
Ce fut une grande découverte qui allait se transformer par la suite en véritable passion pour ce musicien "meneur d’hommes", tellement impliqué dans la vie de sa "communauté" qu’il ne fut connu du "grand public" qu’à la fin de sa vie…
Voici donc, avec la seule prétention d’une sérieuse biblio/discographie, les grandes lignes de la vie d’Horace Tapscott.
Cette biographie est complétée d’une discographie et de deux interviews et sera suivie prochainement d’autres informations…
Né le 6 avril 1934 à Houston au Texas, Horace Tapscott est le fils de Mary Lou Malone, pianiste qui dirigeait son propre groupe de jazz. Il grandit donc bercé par le blues, le boogie-woogie et les spirituals entendus à l'église.
A neuf ans, sa famille quitte le Texas pour s'installer en Californie à Los Angeles. A peine débarqué du train, sa mère se rend sur Central Avenue afin de présenter Horace à Harry Southard qui deviendra son professeur de trombone. En effet, en plus des cours de piano que lui donne Mary Lou, Horace pratique aussi le trombone et le tuba, deux instruments qu'il considère comme étant plus "virils".
En 1948, il intègre la Jefferson High School où il suit les cours du Docteur Samuel R. Browne et où, au sein de l'orchestre, il côtoie entre autre Don Cherry, Sonny Criss, Frank Morgan, Eric Dolphy… Il se consacre alors essentiellement à l'étude du trombone et l'année suivante, le pianiste Monroe Tucker lui offre son premier engagement dans un club sur Central Avenue, l'équivalent de la 52nd rue à New York, où il se rend régulièrement pour écouter Art Tatum, Charlie Parker…
En 1950, en compagnie d'Eric Dolphy, il intègre le big band de Gérard Wilson et, deux ans plus tard, passe son diplôme malgré un accident de voiture qui lui rendra difficile le jeu du trombone.
De 1953 à 1957, Tapscott intègre l'orchestre de l'Armée de l'Air et il est envoyé à la Fort Warren Air Force Base de Cheyenne dans le Wyoming. C'est à cette époque qu'il abandonne le trombone pour le piano et forme son premier groupe The Nu-Tones avec le saxophoniste Robbie Robertson, le contrebassiste Herbert Baker et le batteur Billy James.
Son service militaire achevé, il retourne à Los Angeles et ressort son trombone une dernière fois pour s'engager dans l'orchestre de Lionel Hampton avec lequel il sillonnera les Etats-Unis. Mais au début de l'année 1961, après un concert, il décide de ne pas remonter dans le car et quitte l'orchestre. "Je voulais faire autre chose. Je voulais faire mon propre truc, écrire et aider à préserver la musique. C'est à cette période que j'ai commencé à penser à former l'Arkestra pour préserver la Black Music. Je voulais préserver, enseigner, montrer et jouer la musique des noirs américains ainsi que la musique panafricaine à notre communauté. Tout le propos était là : faire partie de la communauté. Ce sont les raisons pour lesquelles j'ai quitté l'orchestre d'Hampton ce soir là."
C'est ainsi qu'en 1961, de retour à Los Angeles, il se consacre dorénavant uniquement au piano, il forme dans le quartier de Watts, le Pan Afrikan Peoples Arkestra, un orchestre dont le but est de préserver et de développer la Black culture dans la communauté. Les premiers membres en sont la pianiste Linda Hill, le tromboniste Lester Robertson, les contrebassistes David Bryant et Alan Hines et les saxophonistes Jimmy Woods et Guido Sinclair. La même année est créée l'U.G.M.A. (Underground Musicians Association), qui deviendra quelques années plus tard l'U.G.M.A.A. (Union of God's Musicians and Artists Ascension), une organisation s'étendant aux autres domaines artistiques et dont l'Arkestra n'est qu'un élément.
Au fil des ans, l'U.G.M.A.A. s'implique de plus en plus dans la communauté de Watts. Mis à part la musique, toutes sortes d'activités se développent : des cours sur l'histoire et la musique Black pour les enfants, des ateliers d'écriture, de poésie, de danse, de théâtre, d'arts martiaux…
Durant l'été 1965, le quartier de Watts est le théâtre de sinistres émeutes entre la communauté noire et la police. "Le premier jour de l'insurrection, la fusillade a débuté au Will Rogers Park près de la 103rd rue et Central Avenue. Nous étions, comme d'habitude, en train de répéter plus bas sur la 103rd. La police a débarqué, a encerclé l'orchestre et nous a ordonné d'arrêter de jouer car selon eux nous incitions à la révolte. L'instant d'après le quartier était plein d'ambulances et de policiers."
Le 8 mai 1968, le saxophoniste Sonny Criss entre en studio avec Tapscott pour l'enregistrement de son album Sonny's Dream (Birth Of The New Cool) publié par Prestige. Pour cet album, composé et arrangé par le pianiste, Sonny Criss devait être accompagné d'un orchestre composé de membres du Pan Afrikan Peoples Arkestra. Mais, à leur grande surprise, ils découvrirent à leur arrivée en studio qu'un autre orchestre avait également été convoqué par le producteur Don Schlitten. Furieux, Criss et Tapscott quittent le studio avant de se raviser et de céder aux conditions de Schlitten. Seul rescapé de l'Arkestra, le batteur Everett Brown, Jr.
L'année suivante, sur les conseils de musiciens comme Stanley Crouch et John Carter, Bob Thiele propose à Tapscott d'enregistrer pour son nouveau label Flying Dutchman. "Je n'étais pas intéressé par cet enregistrement, mais j'en ai parlé aux gars du groupe – Arthur Blythe, David Bryant, Walter Savage, Jr. et Everett Brown, Jr. – et leur ai dit que nous devions voter. Si ils votaient contre moi nous ferions l'enregistrement. Ils ont voté contre moi." Tapscott et son groupe entrent donc en studio pour l'enregistrement de The Giant Is Awakened son premier album en leader, à une seule condition cependant, qu'il puisse participer en studio à la finalisation du disque. Cette promesse ne sera pas tenue se qui le mettra hors de lui.
Après ces expériences avec Prestige et Flying Dutchman, il traînera une mauvaise réputation de musicien difficile qu'il vaut mieux éviter.
Depuis sa création jusqu'au milieu des années 70, le Pan Afrikan Peoples Arkestra a accueilli un grand nombre de très bons musiciens comme Azar Lawrence, David Murray, Lawrence "Butch" Morris et son frère Wilber, Sabir Mateen, Vinny Golia, Alex Cline… constituant ainsi un répertoire riche de centaine de compositions originales.
Au début des années 70 Tapscott collabore avec Elaine Brown, écrivaine et leader des Black Panther, avec qui il grave deux albums : Seize The Time et Elaine Brown.
En 1978 débute sa collaboration avec Toshiya Taenaka qui produira trois disques du pianiste pour les labels Interplay et Bopland dont un trio In New York avec Art Davis et Roy Haynes. C'est à cette même date qu'il rencontre Tom Albach, "Il avait l'habitude de venir dans le quartier. Il était là à chaque concert mais ne m'adressait pas la parole. Il est venu à chaque concert pendant cinq ou six ans sans rien dire, juste pour écouter. Puis un jour il a suggéré de nous enregistrer à l'Immanuel United Church of Christ et de fonder le label Nimbus". Deux enregistrement du Pan Afrikan Peoples Arkestra sont rapidement gravés – Flight 17 et The Call – ainsi qu'un troisième enregistré donc Live At The I.U.C.C..
Albach participe également à faire connaître Tapscott en Europe en y organisant différentes tournées. Suivront d'autres albums : At The Crossroads en duo avec Everett Brown, Jr., Dial "B" For Barbra en sextet et les 2 volumes Live At Lobero en trio avec Roberto Miranda et Sonship Theus.
De 1982 à 1984, Albach se consacre essentiellement à l'enregistrement d'une série de piano solo les Tapscott Sessions, dont dix volumes ont été publiés à ce jour.
Parallèlement, Nimbus enregistre d'autres membres de l'Arkestra – Roberto Miranda, Adele Sebastian, Linda Hill, Dadisi Komolafe, Nate Morgan… - jusqu'en 1985, date à laquelle Tom Albach quitte Los Angeles pour s'installer à Amsterdam.
En 1989, le label suisse Hat Art enregistre Tapscott accompagné de John Carter, Cecil McBee et Andrew Cyrille et, en 1993, il se rend à Paris pour enregistrer aux côtés de la saxophoniste Nelly Pouget. A cette époque il collabore également avec la scène hip-hop de Los Angeles, les Watts Prophets, Freestyle Fellowship…
En 1995 et 1996 il grave deux albums pour Arabesque, Aiee! The Phantom avec Marcus Belgrave, Abraham Burton, Reggie Workman et Andrew Cyrille et Thoughts Of Dar Es Salaam avec Ray Drummond et Billy Hart.
Avant de disparaître, le 27 février 1999 des suites d'un cancer, Horace Tapscott s'était longuement entretenu avec Steven Isoardi. Ce témoignage indispensable a depuis été publié sous le titre de Songs Of The Unsung - The Musical anAd Social Journey of Horace Tapscott.
Songs of the Unsung - The Musical and Social Journey of Horace Tapscott
par Horace Tapscott et Steven Isoardi
Duke University Press, 2001
1 commentaire:
Hi, Nice post thanks for sharing. Would you please consider adding a link to my website on your page. Please email me back.
Thanks!
Madison
maddie0147@gmail.com
Enregistrer un commentaire